
Mon ami et poète Raymond Joyeux , mon échotier des Tropiques , m'a appris le départ de Jérôme HOFF, peintre des Saintes que personne ne prenait au sérieux , sauf moi et quelques autres artistes et poètes .
Un jour que nous descendions du Fort Napoléon , je criai à mon chauffeur :"Stop"
je venais de voir , sur le bord de la route une espèce d'antre ....
Alors que tout le monde me disait : "Mais que vas-tu chercher là ?" , j'entrais dans une case très sommaire et je découvris des murs couverts de toiles : plutot naïves et peintes sur de la toile brute .
Une très grande toile accapara mon attention
"Combien cette toile ?" demandai-je
" Elle n'est pas à vendre car elle sert de mur à ma case !" et il continua
" hier , des américains me l'ont déjà demandée !" .....
Bref , il accepta de me céder une petite toile " Les Anges bleus " pour une somme dérisoire .
Je me demande encore si je n'étais pas la seule personne dans toute la Guadeloupe à posséder une oeuvre de lui : un incompris , vous dis-je !
J'ai su par la suite qu'une de ses grandes toiles était exposée à l'église de Terre - de -Haut : un Christ en croix , si je m'en souviens bien .
Mon ami Raymond Joyeux saura me le décrire : il a écrit un papier pour France-Antilles à l'occasion de son décès que j'aimerais qu'il me fasse parvenir .
"Paix ait son âme et que Dieu lui fasse peine" , comme me disait toujours ma nainaine ....
Oeuvres singulières bien plus profondes que ces espèces de plumeaux chamarés de certains peintres !
(Mon ami vient de m'expédier le texte que je vous fait découvrir avec émotion
Terre-de-Haut : disparition d’un artiste
Le samedi 11 octobre, les habitants de Terre-de-Haut ont dit un adieu émouvant et unanime à une figure saintoise exceptionnelle en la personne de Jérôme HOFF, décédé la veille à l’âge de 72 ans. Après le décès en février dernier de Francis BOCAGE, charpentier de marine hors pair, bien connu et estimé des amateurs de voile traditionnelle, c’est le deuxième artiste saintois qui disparaît en peu de temps.
S’adonnant principalement à la sculpture sur bois, Jérôme HOFF avait commencé très jeune à façonner avec de la terre glaise des mornes de son île natale les personnages de la crèche que le père OFFREDO, curé de la paroisse, lui commandait – gracieusement – à l’occasion des fêtes de Noël. Mais c’est d’un voyage à Basse-Terre avec une de ses tantes, alors qu’il avait 14 ans, qu’était née véritablement sa vocation de sculpteur. Une Vierge en plâtre aperçue à la vitrine des magasins Lacroix avait été en effet à l’origine de ses premières vraies réalisations et, depuis cette date, les sujets religieux n’avaient pas cessé de l’inspirer.
Christ, Vierge à l’enfant, Pietà, visages de Saints ou de Saintes, Jérôme HOFF les a sculptés pendant plus de 50 ans, d’instinct, avec un simple ciseau à bois, un maillet et une râpe de menuisier, animé de son seul talent naturel, de sa sincérité et de la force de sa foi biblique, car il n’avait suivi ni école de Beaux-Arts ni stage de sculpture. Son matériau de prédilection était le cœur de mancenillier et le bois de savonnette qu’il considérait comme les plus aptes à traduire l’expression de naïve sérénité qu’il imprimait au billot en quelques coups de maillet habiles sur le manche usé de son ciseau d’artiste.
Mais Jérôme HOFF n’était pas que sculpteur, s’il lui arrivait d’abandonner le bois pour le corail qu’il ciselait à l’ancienne, à la manière des Indiens Caraïbes, il prenait souvent le pinceau et donnait libre cours à son imagination mystique nourrie de la lecture journalière de la Bible et des livres saints.
Sculpteur, peintre, mais aussi musicien, acteur, auteur de cantiques religieux, de chansons, de pièces de théâtre et de sketches, Jérôme était un artiste complet qui touchait à tout avec un égal bonheur. Si son sens de la comédie, la subtilité et l’humour grinçant de ses formules ont bien des fois fait rire aux larmes ses compatriotes, ils regrettent aujourd’hui qu’il n’ait pas pu s’exprimer davantage dans sa commune où l’absence de structure adaptée ne favorise guère les artistes locaux.
De son vivant, établi non sans mal sur la route du Fort Napoléon, au pied du deuxième virage, il avait fait de sa petite maison une sorte de musée permanent où il exposait ses œuvres en toute simplicité. Si les visiteurs hésitaient à acquérir ses sculptures souvent lourdes et volumineuses, ils ne manquaient jamais d’être séduits par l’originalité et la force de conviction du personnage. Jérôme HOFF ne vivait pas en effet à proprement parler de son art, mais il éprouvait un réel bonheur à vous parler de la Bible, des Prophètes, de la vie du Christ et des Saints qu’il connaissait sur le bout des doigts. Et la foi qui se dégageait de ses paroles vous remplissait l’âme de paix et de sérénité, dispositions spirituelles plus qu’indispensables dans notre monde d’aujourd’hui, pétri de matérialisme, de méchanceté et d’indifférence.
Adieu, Jérôme, au paradis, tu ne dois pas être dépaysé car sans doute admires-tu désormais en pleine lumière le visage de ceux et de celles que tu as ici-bas si souvent reproduits dans le bois ou sur la toile. C’est en tout cas ce que croit sincèrement un grand nombre de tes compatriotes, aujourd’hui attristés de ta disparition et qui n’entendront plus résonner sous la voûte de leur petite église la puissance affirmée et caractéristique de ta belle voix d’artiste.
Raymond JOYEUX