29 avril 2008

Premiers pas

Sentir…..
L’odeur de l’herbe fraîchement coupée
Les giroflées du talus
La menthe ,nichée au pieds de l’escalier
La marée basse

Ecouter…
Le cri des mouettes
Le chant des oiseaux de « granbonheur «
La porte qui s’ouvre
Le vent en bourrasque
La pluie faire des claquettes sur l’ardoise

Voir…
Le lilas en fleur
Les nuages qui s’étirent
Les pins élancés à la « Maurice Denis »
La maison de Maurice Denis , en voisin
La marée haute
La marée basse
L'aube sur la pointe de Ploumanach , aussi beau que Jaisalmer au crépuscule

Goûter…
Bientôt les gariguettes derrière la haie d’hortensia
Les pommes de terre primeur
Le lait ribot
Le lieu péché hier par Antoine


Toucher…
Un galet et le caresser , le caresser

Je ré-apprends mon pays , les sensations en éveil , comme après une longue maladie ….

21 avril 2008

Aimé Césaire



Au revoir Monsieur Césaire .
Le jour où Mireille Prompt , mon professeur de poterie , m’a glissé entre les mains ce petit fascicule qui avait pour titre « Cahier d’un retour au pays natal « , moi qui n’étais en Guadeloupe que depuis quelques mois , je fus bouleversée !
Quand j’ai refermé " Le Cahier " , je n’ai plus vu la terre antillaise de la même façon , malgré le respect que je porte toujours à n’importe quelle terre : j’avais presque peur que mes pas lui fassent encore mal , elle qui avait dû être si souvent gorgée de larmes et de sang , je ressentais de même un certain malaise pour cette atmosphère humide qui nous enveloppe quotidiennement ,comme moite de larmes , atmosphère ouattée pour étouffer les cris …. Ce que j’écris peut paraître naïf mais je n’ai pas honte de décrire ce que j’ai vraiment ressenti ….

Un jour , il y a quelques mois , je me suis arrêtée dans une galerie de peinture haïtienne , rue Saint André des Arts ;une affichette indiquait pour le lendemain ,une fin d’après-midi consacrée à la lecture des mots d’Aimé Césaire !
Le lendemain , à l’heure convenue , j’y étais !
La galeriste m’invita à m’asseoir tout au fond , à deux pas des acteurs qui déclamaient la poésie : discrètement , je m’assis auprès d’un monsieur encore plus discret et qui n’était autre que Jacques Lacarrière ….
Ce fut un début de soirée merveilleux et je reconnus parmi les spectateurs ,un journaliste du FIGARO et un grand pianiste :
L’Universalité d’Aimé Césaire était là , preuve à l’appui , loin de son pays natal !

Hier , j’étais à mille lieues de la Martinique , j’ai suivi ses obsèques en direct à la télévision . ..


Quelquepart , dans la cinquantaine de cartons qu’il me reste à défaire , se trouve « Le Cahier … » ; il a été mon livre de chevet à Sainte –Anne ; il retrouvera bientôt sa place , sur ma table de chevet , face à la mer , de l’autre côté de l’océan !
Je n’ose pas écrire les phrases qui m’ont le plus marquées de peur de les déformer , ne les connaissant pas par cœur ; il y a une pourtant qui parle de « …la foule bavarde et muette…… » je crois que c’est la plus terrible pour moi et j’ai hâte d’ouvrir à nouveau « Le Cahier… »
Voilà une semaine que chaque matin , mes premiers mots étaient : » Tu as des nouvelles de la Martinique ? «
Mes pensées allaient là-bas
Ce matin , j’ai entendu les propos d’un député :
« Quand vous avez lu « Le Cahier.. » , vous n’avez plus qu’à vous taire !
«

« Au bout du petit matin, une autre petite maison qui sent très mauvais dans une rue très étroite, une maison minuscule qui abrite en ses entrailles de bois pourri des dizaines de rats et la turbulence de mes six frères et soeurs, une petite maison cruelle dont l'intransigeance affole nos fins de mois et mon père fantasque grignoté d'une seule misère, je n'ai jamais su laquelle, qu'une imprévisible sorcellerie assoupit en mélancolique tendresse ou exalte en hautes flammes de colère; et ma mère dont les jambes pour notre faim inlassable pédalent, pédalent de jour, de nuit, je suis même réveillé la nuit par ces jambes inlassables qui pédalent la nuit et la morsure âpre dans la chair molle de la nuit d'une Singer que ma mère pédale, pédale pour notre faim et de jour et de nuit. »

p.33 à 36 (Edition Présence Africaine. Poésie)

En vain dans la tiédeur de votre gorge mûrissez-vous vingt fois la même pauvre consolation que nous sommes des marmonneurs de mots

Des mots ? quand nous manions des quartiers de monde, quand nous épousons des continents en délire, quand nous forçons de fumantes portes, des mots, ah oui, des mots ! mais des mots de sang frais, des mots qui sont des raz-de-marée et des érésipèles et des paludismes et des laves et des feux de brousse, et des flambées de chair, et des flambées de villes...

Sachez-le bien:
je ne joue jamais si ce n'est à l'an mil
je ne joue jamais si ce n'est à la Grande Peur

Accommodez-vous de moi. Je ne m'accommode pas de vous !

Parfois on me voit d'un grand geste du cerveau , happer un nuage trop rouge
ou une caresse de pluie, ou un prélude du vent,
ne vous tranquillisez pas outre mesure :

Je force la membrane vitelline qui me sépare de moi-même,

Je force les grandes eaux qui me ceinturent le sang

C'est moi rien que moi qui arrêtes ma place sur le dernier train de la dernière vague du dernier raz-de-marée.

C'est moi rien que moi
qui prends langue avec la dernière angoisse
C'est moi oh, rien que moi
qui m'assure au chalumeau
les premières gouttes de lait virginal !

Et maintenant un dernier zut :
au soleil (il ne suffit pas à soûler ma tête trop forte)
à la nuit farineuse avec les pondaisons d'or des lucioles incertaines
à la chevelure qui tremble tout au haut de la falaise
le vent y saute en inconstantes cavaleries salées
je lis bien à mon pouls que l'exotisme n'est pas provende pour moi

Au sortir de l'Europe toute révulsée de cris
les courants silencieux de la désespérance
au sortir de l'Europe peureuse qui se reprend et fière
se surestime
je veux cet égoïsme beau
et qui s'aventure
et mon labour me remémore d'une implacable étrave.

Que de sang dans ma mémoire ! Dans ma mémoire sont des lagunes. Elles sont couvertes de têtes de morts. Elle ne sont pas couvertes de nénuphars. Dans ma mémoire sont des lagunes. Sur leurs rives ne sont pas étendus des pagnes de femmes.
Ma mémoire est entourée de sang. Ma mémoire a sa ceinture de cadavres !
et mitraille de barils de rhum génialement arrosant nos révoltes ignobles , pâmoisons d'yeux doux d'avoir lampé la liberté féroce

(les nègre-sont-tous-les-mêmes, je-vous-le-dis
les vices-tous-les-vices, c'est-moi-qui-vous-le-dis
l'odeur-du-nègre, ca-fait-pousser-la-canne
rappelez-vous-le-vieux-dicton:
battre-un-nègre, c'est le nourrir)

amour des rocking-chairs méditant la volupté des rigoises
je tourne, inapaisée pouliche
Ou bien tout simplement comme on nous aime !
Obscènes gaiement, très doudous de jazz sur leur excès d'ennui.
Je sais le tracking, le Lindy-hop et les claquettes.
Pour les bonnes bouches la sourdine de nos plaintes enrobées de oua-oua. Attendez..
Tout est dans l'ordre. Mon bon ange broute du néon. J'avale des baguettes. Ma dignité se vautre dans les dégobillements...

06 avril 2008

marathon de Paris





























c'est promis , juré !







L'année prochaine , j'y serai..... Au lieu de faire des photographies , en pyjama , sur mon balcon .

02 avril 2008

Bleu...Les iris


Moi , bouquet d’iris , que dis-je , brassée d’iris , je suis fou de rage …
Elle m’avait pourtant tourné et retourné avant de me choisir, pas un seul pétale ne montrait une petite fatigue , la couleur d’un bleu royal , outremer avec une pointe de carmin , le jaune du cœur à faire pâlir un bouton d’or .. ; je venais de loin , perdu au fin fond d’une floppée de hampes d’orchidées , ces fleurs prétentieuses et vulgaires ( enfin ,c’est elle qui le dit !) qui ne poussent qu’au gré de leurs caprices de stars ( c’est encore elle qui le dit ; qu’il faut parfois plus d’un an pour qu’apparaissent des petites cornes qui deviennent des boutons et enfin ces fleurs bizarres , avec des pétales même pas en nombre pair , bref , elle ne peut pas les voir ! ) , de chez Tang …
J’avais traversé Paris contre son cœur , à peine m’avait-elle posé juste le temps d’entrer dans une librairie et de repartir avec une affiche du « Printemps des poètes » pour son ami Raymond Joyeux ( qui ne manquera sûrement pas de la mettre dans ses oua-oua avec vue imprenable sur la Darse à Pointe-à Pitre…)
Bref , elle avait jonglé avec ses sacs pour faire le code d’entrée et pour appeler l’ascenseur ,au risque d’écraser les concombres et de froisser l’affiche , mais jamais je n’ai été en danger , toujours contre son cœur .
Pour la nuit , elle m’avait trempé les pieds dans un seau d’eau fraîche , sur le balcon , face au buis et à côté des pensées , bleues mais pas tout à fait comme moi .
Elle est venue me chercher de granbonheur , m’a serré contre son cœur et nous sommes repartis sous un pâle ciel bleu par le RER ; pas grand monde à cette heure pour Disney ; alors ,elle m’a allongé face à elle sur la banquette qui était libre : elle était bleue ,presque comme moi et les murs du wagon d’un jaune sahara !
Au premier arrêt , des voyageurs sont entrés , se sont installés et c’est là que j’ai surpris leurs regards : ils paraissaient inquiets et j’ai alors compris qu’ils avaient peur de moi , tout seul , allongé sur la banquette comme si quelqu’un m’avait abandonné : j’étais devenu suspect , comme un sale paquet …
Je l’ai regardée et , elle aussi , a compris et réalisé que moi , si beau , si frais , si plein de nature ,pourrait servir de cache d’arme pour des fous ! C’est pour cela que je suis fou de rage ! Pour qui m’ont-ils pris !

Dans quel monde vit-on quand on commence à avoir peur d’un si beau bouquet d’iris !
"Quelle couleur a le parfum du sanglot bleu des violettes " Pablo Néruda
(un des vers publié sur l'affiche du Printemps des poètes )