02 avril 2008

Bleu...Les iris


Moi , bouquet d’iris , que dis-je , brassée d’iris , je suis fou de rage …
Elle m’avait pourtant tourné et retourné avant de me choisir, pas un seul pétale ne montrait une petite fatigue , la couleur d’un bleu royal , outremer avec une pointe de carmin , le jaune du cœur à faire pâlir un bouton d’or .. ; je venais de loin , perdu au fin fond d’une floppée de hampes d’orchidées , ces fleurs prétentieuses et vulgaires ( enfin ,c’est elle qui le dit !) qui ne poussent qu’au gré de leurs caprices de stars ( c’est encore elle qui le dit ; qu’il faut parfois plus d’un an pour qu’apparaissent des petites cornes qui deviennent des boutons et enfin ces fleurs bizarres , avec des pétales même pas en nombre pair , bref , elle ne peut pas les voir ! ) , de chez Tang …
J’avais traversé Paris contre son cœur , à peine m’avait-elle posé juste le temps d’entrer dans une librairie et de repartir avec une affiche du « Printemps des poètes » pour son ami Raymond Joyeux ( qui ne manquera sûrement pas de la mettre dans ses oua-oua avec vue imprenable sur la Darse à Pointe-à Pitre…)
Bref , elle avait jonglé avec ses sacs pour faire le code d’entrée et pour appeler l’ascenseur ,au risque d’écraser les concombres et de froisser l’affiche , mais jamais je n’ai été en danger , toujours contre son cœur .
Pour la nuit , elle m’avait trempé les pieds dans un seau d’eau fraîche , sur le balcon , face au buis et à côté des pensées , bleues mais pas tout à fait comme moi .
Elle est venue me chercher de granbonheur , m’a serré contre son cœur et nous sommes repartis sous un pâle ciel bleu par le RER ; pas grand monde à cette heure pour Disney ; alors ,elle m’a allongé face à elle sur la banquette qui était libre : elle était bleue ,presque comme moi et les murs du wagon d’un jaune sahara !
Au premier arrêt , des voyageurs sont entrés , se sont installés et c’est là que j’ai surpris leurs regards : ils paraissaient inquiets et j’ai alors compris qu’ils avaient peur de moi , tout seul , allongé sur la banquette comme si quelqu’un m’avait abandonné : j’étais devenu suspect , comme un sale paquet …
Je l’ai regardée et , elle aussi , a compris et réalisé que moi , si beau , si frais , si plein de nature ,pourrait servir de cache d’arme pour des fous ! C’est pour cela que je suis fou de rage ! Pour qui m’ont-ils pris !

Dans quel monde vit-on quand on commence à avoir peur d’un si beau bouquet d’iris !
"Quelle couleur a le parfum du sanglot bleu des violettes " Pablo Néruda
(un des vers publié sur l'affiche du Printemps des poètes )