19 avril 2007

Solitude...solitude


Littérature

J’ai découvert par hasard un nouvel auteur. Peut-être le connaisssez-vous. Il s’appelle Haruki Murakami. Il est né au Japon en 1949. Je viens de terminer d’affilée la lecture de deux de ses romans : Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil et Les amants du Spoutnik, dans la collection 10/18, domaine étranger, traduction de Corinne Atlan. Un troisième roman, Après le tremblement de terre est également publié en 10/18 sous le n° 3379.

À vrai dire, avec autant de plaisir, j’ai l’impression d’avoir lu le même livre alors qu’ils sont totalement différents. Les sujets abordés pour ne pas dire les thèmes développés sont à peu de choses près les mêmes dans les deux livres : difficultés de communication, solitude, frontière entre rêve et réalité, effets dévastateurs de la passion. Univers particulier mais somme toute assez banal dans lequel on plonge sans réticence malgré quelques frustrations relatives au destin des personnages dont en fin de compte le lecteur n’est pas toujours instruit. L’originalité tient surtout dans la capacité d’imagination du romancier, sa façon de mener les intrigues, sa technique d’écriture et la limpidité de son style.

Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil raconte à la première personne l’histoire d’un jeune homme, depuis l’école primaire jusqu’à la quarantaine. Sa relation sentimentale précoce, mais totalement platonique, avec une jeune fille de son âge, qu’il perd de vue au lycée et qu’il retrouve trente ans plus tard, une fois marié, père de famille et passionné par son travail, forme le nœud du roman : comment se construit l’équilibre fragile des êtres et comment cet équilibre est à la merci d’événéments apparemment fortuits et inattendus mais qui semblent étrangement programmés d’avance.

Leur caractère tranché, leur forte personnalité, leur refus du compromis sont la trame de la psychologie donc du comportement des personnages. Ils contribuent logiquement à la crédibilité de leur parcours respectif. L’auteur, alternant confessions et non-dits, tient le lecteur en haleine et le caractère mystérieux de certains événements l’oblige à poursuivre sa lecture pour connaître le dénouement lorsqu’il y en a un. Rien n’est mâché et beaucoup de renversements de situation tiennent du roman psychologique proche de l’intrigue policière. Sauf que les énigmes ne sont pas toutes forcément résolues, ce qui laisse le lecteur sur sa faim tout en laissant le champ libre à son imagination et à sa perspicacité.

Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil est également un roman sur l’attraction affective dont les effets n’arrivent jamais complètement à se concrétiser. Le réel quotidien et l’honnêteté conventionnelle des personnages reprennent fatalement le dessus et annihile toute tentative de pérennisation des relations, sans altérer la profondeur ni la réciprocité des sentiments. Le dire de cette façon c’est déjà un peu révéler la fin de l’histoire mais ne déflore en rien ni la beauté, ni la puissance du livre. L’auteur démontre avec subtilité que le rideau qui isole les individus les uns des autres reste souvent infranchissable, quel que soit par ailleurs le degré de leur intimité, de leur proximité apparente, physique, sociale ou sentimentale.

Le deuxième roman au titre énigmatique, Les amants du Spoutnik (10/18 3684), raconte, lui, l’histoire d’une jeune fille un peu particulière dans laquelle est impliqué le narrateur, malgré la distance qui les sépare. Toujours le thème de l’incommunicabilité mais renforcé cette fois-ci par celui du dédoublement de la personnalité. Ce roman déconcerte par certains côtés le lecteur trop “terre-à-terre”qui ne croirait pas à la réalité du rêve et à la traversée du miroir. Mais le suspense est tellement bien entretenu et l’intrigue si bien ficelé qu’on a du mal à ne pas terminer le livre.

Pourquoi sommes-nous si seuls ? me demandai-je. Pourquoi est-il nécessaire que nous soyons si seuls ? Tant de gens vivent dans ce monde en attendant quelque chose les uns des autres, et ils sont néanmoins contraints à rester irrémédiablement coupés des autres. Cette planète continuera-t-elle de tourner uniquement pour nourrir la solitude des hommes qui la peuplent ? (page 232).

Ce passage (qui n’est pas le dernier paragraphe du roman) résume la philosophie de l’auteur et pourrait être aussi bien le début que la conclusion de ce très beau livre que je vous laisse découvrir et que je vous recommande.

Un mot cependant de l’écriture et du style de l’auteur. Absence totale de prétention littéraire. Simplicité mais extrême profondeur du propos alliée à une grande culture musicale (jazz et classique). La façon de raconter l’histoire en modifiant souvent les points de vue sans perturber ni la logique ni la compréhension du récit démonte et contredit toutes les théories “scolaires” de la progression dramatique et du schéma “actanciel” préconisées par les manuels de littérature appliquée. Tout tient finalement dans l’art du romancier et de sa maîtrise particulière de l’écriture et de la narration. Seulement, si simplicité et limpidité semblent couler de source, on se tromperait en confondant ces deux qualités avec facilité et relâchement. En littérature comme en peinture, en musique ou en tout art, l’apparence de la facilité cache souvent une grande maîtrise, résultat d’un long et difficile travail d’exercice et de renoncement.

Un conseil : ne renoncez pas à lire Haruki Murakami, vous ne le regretterez pas. Au-delà du plaisir que procure la lecture de ses œuvres, il nous apprend beaucoup sur notre condition d’hommes ou de femmes. A rapprocher peut-être par le style et le propos d’Albert Camus le romancier, avec de l’humour et de la légèreté en plus.

Raymond Joyeux
18 avril 2007

Promis ,Raymond, le prochain livre que je choisirai sera un de ceux là .
En ce moment ,mon esprit ne peut digérer que des histoires belles et douces ,propices au reve (mais le reve ne serait -il pas tout simplement une solitude choisie ! )très romantiques et je relis "Pour l'amour de l'Inde " de Catherine Clément ; tu sais , cet élégant Amour entre Lady Edwina Mountbatten et Nerhu à l'aube de la partition : deux etres que tout devrait séparer mais qui ,justement font les plus belles idylles :toujours ce pays mythique qui ne fait qu'un avec moi !
Quant à la Solitude , si elle est choisie , elle peut etre extrèmement merveilleuse ;elle peut etre faite de reve qui aboutit à la création :c'est un monde où il fait bon s'y ressourcer , quand ,bien sur , on peut en sortir :elle est parfois nécessaire quand on se trouve dans un monde qu'on ne comprend pas du tout ,quand on est entouré de gens dans lesquels on ne se reconnait pas , quand on est en dehors de son milieu ,,quand on a l'impression d'etre un point d'interrogation quelque part .
Mais la solitude qui m'a le plus interpelée c'est le jour où , je remplaçais la secrétaire au cabinet et que je demandais à une dame d'un age certain son prénom :
"Solitude .." m'a -t-elle dit . .

04 avril 2007

Montréal


Montréal.
« Je reviendrai à Montréal « chante Robert Charlebois ;Signy me l’a offert à l’atelier avant la fermeture .

Et ,je viens de terminer un portrait de deux jeunes québequois : »Aileen et Georges « : entre Montréal et moi , c’est un amour… par procuration ..(car il parait que ,faire un portrait est un acte d’amour , pour moi , ce serait une marque d'affection dans mon cercle rapproché ,, une sympathie pour les personnes étrangères que je croque ,une autre façon d'aimer ) , c’est une ville qui me porte chance ;n’ai-je pas travaillé pour « Corsair » à son sujet .Il faudra que je la connaisse un jour car beaucoup de sentiments me lient à des personnes de là-bas .
Dans ce portrait ,j’ai recherché cette carnation rousse , dont les origines viennent du froid :pour Georges , d’Islande du coté de sa maman ;meme chose pour les cheveux :j’ai jonglé avec le sienne , l’ocre , et le cobalt !J’ai eu envie de faire le fond en bleu « canard », (ça te dit quelque chose, Martine ! ) pour faire écho à ses yeux bleu-vert.Un soupçon d’ocre pour donner la sensation des éphélides,sans accentuer la facture hyperréaliste . Plus dans mon habitude pour Aileen mais toutefois aussi intéressant !
J’ai été très heureuse de rencontrer ces jeunes gens .

03 avril 2007

une histoire


L’Inde. Depuis toute petite, je savais qu’un jour je me rendrai dans ce pays mythique, mystique, énigmatique, pays de mes origines, de mon sang, de toutes mes attentes. Je ne savais pas quand ce moment viendrait, je me laissais influencer par les mauvais esprits qui me racontaient la misère, la famine, l’insulte aux yeux européens faite par les lépreux, les morts et la maladie omniprésents ,soi-disant ,dans les rues des villes indiennes.
Et puis, ce moment est venu. Un ami, qui faisait son service militaire au sri Lanka et qui savait Ô combien retrouver mes racines était important pour moi, me proposa de l’accompagner dans son périple en Inde du Sud. Sans réfléchir, j’acceptais. Pourtant, j’étais prévenue, il ne fallait pas m’attendre à dormir dans les palaces aseptisés loin de la foule et de la vie fourmillante des mégalopoles indiennes. Non, si je venais, c’était pour relier 2 villes (Trivandrum et Chennai, nouvelle Madras) sac au dos et nuits chez l’habitant.
Tout ce que je connaissais de l’Inde, c’était les représentations de quelques divinités hindoues, les saris et ces fameux bidonvilles tant décrits par les quelques touristes européens enfermés dans leur car climatisé qui avaient sillonné le pays et me l’avaient raconté.
Aussi, lorsque je posais le pied sur la terre de mes ancêtres, je ne m’attendais pas à un tel bouleversement des sens.
La première chose qui nous surprend, c’est l’odeur. Une merveilleuse odeur d’épices et de fleurs de jasmin qui se dégage de la foule. Des senteurs mélangées mais jamais entêtantes, et puis, aussi et surtout, l’odeur de la terre car, là bas, peu de routes sont goudronnées, la plupart sont de terre rouge ocre, cette terre qui tatoue les pieds nus des hommes en sarong et les saris des femmes portant leurs enfants.
Puis vient le bruit. Non pas assourdissant, comme pourrait le craindre l’étranger devant l’immensité de cette foule, mais un bruit déroutant, le bruit dégagé par les milliers de conversations en hindi, par des camionnettes avec des hauts parleurs sur le toit hurlant leurs discours ( nous l’apprîmes plus tard : des slogans politiques scandés toute la journée car nous étions en pleine période électorale), par les grelots aux chevilles des femmes.
C’est alors que la vue joue son rôle de catalyseur : quel éblouissement ce feu d’artifice de couleurs ! c’est incroyable, on se croit à Bollywood ! Les saris des indiennes sont de toutes les couleurs de l’arc en ciel : du turquoise, du fuschia, de l’orangé, du vert émeraude… que des couleurs flashy, aucune teinte sourde, comme s’il fallait influencer l’humeur par une avalanche de visions positives…
Petit à petit, nous nous laissons submerger par tous les sentiments qui se bousculent en nous et, alors que nous ne comprenons rien à ce nouveau monde, nous nous abandonnons : laissons au temps le soin de nous faire comprendre cette société.
Car cette société est totalement différente de la notre. Ce qu’il faut savoir, c’est que les Hindous (les Indiens de religion Hindoue, religion dominante dans ce sud) passent leur vie à tendre vers le bien afin d’espérer une ré-incarnation plus clémente lors d’une nouvelle vie. Sans cette religion, comment pourraient-ils, d’ailleurs, supporter l’ignominie du système des castes où les Intouchables, véritables fantômes, se comportent telles des ombres. Surtout, ne jamais se faire remarquer lorsque l’on est un intouchable. Cette caste est dévolue aux métiers les plus modestes (pour ne pas dire humiliants) : balayeurs, portiers,… Je me rappelle encore avec émotion de ce portier à qui j’avais décoché mon plus beau sourire alors qu’il m’ouvrait la porte d’un restaurant et de sa gêne lorsqu’il avait baissé les yeux. On m’avait expliqué qu’il ne fallait JAMAIS regarder un Intouchable et que, pour exemple, un balayeur devait toujours balayer en reculant afin d’effacer ses propres pas… Cruel n’est-ce pas ? Et pourtant, tous ces hommes vivent sans jamais se plaindre. Je n’ai pas croisé de mendiant même lorsque mes pas m’avaient menée (sans le vouloir) au beau milieu d’un bidonville. Les femmes les plus pauvres ont les ongles peints, une multitude de bracelets colorés à leur poignet et toujours ces saris dont les nombreux plis leur donnent l’allure de princesses… Quelle féminité !
Non, cette société est déroutante car leurs codes ne sont pas les notres. Leurs tabous ne sont pas les notres. Sur les routes, il n’est pas rare de tomber sur un Indien faisant ses besoins sur le bord de la route, pas de complexe. De même, il arrive que, au détour d’une rue, l’on tombe sur un cadavre jeté dans une charrette en attendant son incinération. Mais, jamais cela n’est choquant car leur attitude est en accord complet avec leur religion, leurs coutumes.
Là-bas, on mange avec la main droite, on marche pieds nus et il arrive que l’on devine les hanches nues d’une femme lorsque tombe un pan de son sari.
Nous avons beaucoup à apprendre du peuple Indien, à commencer par sa sagesse, sa fatalité et, surtout, son espérance. Car, quelque soit l’Indien, qu’il soit brahmane ou Intouchable, tout ce qu’il peut espérer c’est, qu’un jour, ses actes, ses pensées, le conduiront vers une vie future meilleure.

(propos de Bénédicte ,pour faire écho au Salon du Livre de Paris ,sur l'Inde ! avec un peu de retard mais la vie a quelquefois d'autres priorités )
Portrait de famille de "Odile et François" membres de la diaspora indienne de Guadeloupe