Je me souviens ...

La première fois que j’ai beaucoup pleuré pour toi c’était le jour où on t’a opéré des amygdales : dans ces années cinquante huit , le bon Docteur Dosser avait pratiqué l’intervention à la maison ; c’était comme cela .

La deuxième fois où j’ai beaucoup pleuré pour toi c’était le jour où tu es entré en pension ; moi j’y étais déjà depuis trois ans et je savais que tu serais malheureux !

Sinon , seuls les bons souvenirs arrivent par flux dans ma mémoire .

Tu te souviens de nos vacances d’été , toujours les mêmes au bord de la mer , à Louannec : tous les jours après déjeuner , on filait tous les trois à la mer en promettant à maman de l’attendre pour le bain . On descendait alors le chemin , on traversait la route tellement peu fréquentée que maman ne pouvait pas s’inquiéter de nous voir partir seuls puis commençait l’aventure : on devait traverser un genre de marais salants puis le petit cours d’eau où il fallait savoir où mettre les pieds , choisir les roches les plus grandes et les moins glissantes si on ne voulait pas tomber dans l’eau . Enfin nous arrivions sur la grève et direction le grand rocher plat où nous nous inventions de grandes aventures ( tu en as parlé à tes enfants de ce fameux rocher que moi seule à présent sait où il se trouve ) .

Maman arrivait vers trois heures ( j’ai encore le souvenir de l’odeur de l’ambre solaire , cette huile ambrée qui sentait si bon et si fort ) avec toujours un petit ouvrage dans son panier . Venait l’heure du bain et nous nous jetions à l’eau , un peu transis par la froidure ,nos petits maillots de laine ,alourdis par l’eau de mer , qui découvraient sur chaque photo mes petits bouts de seins et ceux de ma sœur !

Nous dévorions ensuite nos tartines beurrées et chocolatées puis nous continuions nos découvertes jusqu’au soir .

Et puis tu as grandi avec les « meccanos » ,« Tintin » ,les Rolling Stones et les cheveux longs , les après-midi au manoir avec les copains , les petites virées en « morris « ;

Et puis « l’hôtel California « et Françoise

Et puis

Et puis

Et puis cette dernière fois où je pleure pour toi ,ce vingt six décembre où tu n’as plus eu la force de rester avec nous me laissant la dernière !