06 novembre 2009

Des prix





Ce n’est pas parce que Marie NDIAYE a eu le prix Goncourt pour son dernier roman « Trois femmes puissantes « que j’ai attendu ce jour pour me l’offrir , mais simplement parce que j’ai un mauvais souvenir d’un autre de ses romans : « Rosie Carpe « ( prix Fémina 2001 ).

Et mauvais souvenir n’est pas un vain mot !


Moi qui ai une passion des livres telle que j’ai du mal à les prêter ( sauf à ma fille bien sûr qui sait me gâter en m’en offrant régulièrement ) , le « Rosie Carpe « que j’avais commencé à lire lors d’une transat aérienne alors que j’habitais encore en Guadeloupe , a atterri dans un container à mon arrivée à Pointe-à-Pitre !


Oui oui , je l’ai jeté ,comme s’il me brûlait les doigts , comme s’il allait me porter malheur .
Car ce que j’avais lu là , était la description trop réaliste de ce que je voyais tous les jours , de ce que je ressentais , du malaise que je vivais dans cette île paradisiaque , de ce que je croyais deviner de mal alors que j’empruntais la route des Grands Fonds pour rejoindre ma superbe maison au creu d’une anse bleue comme le ciel , turquoise comme la mer .. .


J’ai tapé « Google « et voici le résumé que j’ai trouvé :

Résumé du livre
Rosie
Carpe débarque en Guadeloupe avec son fils fuyant la descente aux enfers parisienne pour retrouver sa terrible famille. Mais elle ne sait encore ce qui l'attend au pays... (EVENE ) .


Je pense que mon état d’esprit était tel que je n’ai pas pu faire la différence entre le roman et la réalité : ce livre m’a tout simplement fait peur …

Depuis hier , j’ai en main « Trois femmes puissantes « qui me suit , de la cuisine ( le temps de faire cuire du riz ) au salon ( surtout , ne pas être distraite par les infos qui défilent sur l’écran de télé ) en passant par le petit bureau où je m’allonge sur le canapé vert le temps de dévorer quelques lignes jusqu’à la sonnerie du minuteur qui m’oblige à glisser la photo de « Amour de ma vie 4 « comme marque-page pour aller passer le riz et revenir aussitôt me glisser sur les coussins en plumes et continuer l’histoire de ces « Trois femmes puissantes « ……..



Et dans cette gourmandise de lecture , un peu comme quand on s’offre une tablette de chocolat en prenant bien soin de laisser fondre le carré dans la bouche , une petite pensée pour Dany Laferrière et son dernier livre «L’ Enigme du retour « qui vient d’avoir le Prix Médicis 2009 !Lu dans
"Le Point"



Un classicisme somptueux. Proust et Faulkner dialoguant sous des cieux africains. Marie NDiaye, prix Femina pour Rosie Carpe , publie un nouveau roman, divisé en trois histoires qui se répondent entre elles et qui oppresse autant qu'il éblouit le lecteur proprement médusé par la beauté de l'écriture. Le livre s'ouvre sur un "Et", comme si l'on n'avait pas quitté cette femme qui n'en a pas fini avec la figure récurrente du père "implacable et terrible". Norah, avocate, 38 ans, se rend à la demande de son père à Dakar, où il est parti de longue date, abandonnant en France femme et filles pour n'emmener avec lui que son fils, Sony. Quand elle arrive dans la maison délabrée, Norah ne reconnaît pas l'homme fier et élégant que fut son père. Négligé, boulimique, il vit désormais seul, et peu à peu, la situation s'épaissit de mystères : où est sa seconde femme ? Où est Sony ? Au fur et à mesure de ce qu'elle découvre, Norah vacille devant le passé qui remonte, mais tient bon, prête à affronter les "démons assis sur le ventre" de chacun des enfants de cette famille. Pas un pli de l'âme, pas une sensation n'échappent à l'écriture somatique de Marie NDiaye, qui poursuit son exploration minutieuse des tourments intimes, en donnant la parole, dans le deuxième récit, à un homme.

Rudy Descas, ancien prof de littérature médiévale, remâche aujourd'hui son amertume au volant de sa vieille Nevada. Toute une vie qui commençait si bien, avec la rencontre, à Dakar où il enseigne alors, de celle qui deviendrait sa femme, Fanta "aux chevilles ailées". Toute une vie qui a si mal tourné, obligeant le couple et leur fils à revenir en France, dans cette piteuse province où Rudy se morfond à vendre des cuisines, tandis que Fanta, vestale du désastre, attend. Comme lovée dans la narration, l'intrigue rebondit soudainement au détour d'une phrase, et voilà que l'histoire prend une profondeur inattendue, issue du lourd passif familial. Ou du désordre du monde.
Ainsi en va-t-il de Khady Demba, la dernière femme dont Marie NDiaye nous offre l'inoubliable portrait. Elle est aussi puissante que l'est notre sentiment d'impuissance devant la tragédie dont elle est l'icône. Cette jeune veuve africaine est envoyée par la famille de son mari vers la France, qu'elle devra atteindre en pirogue. Mais, comme chacun des héros de ce livre, Khady Demba aura droit à ce sursaut de conscience qui fait qu'un jour chacun trouve en soi-même le courage de prendre en main son destin.
À la violence qui sourd de ce triptyque, Marie NDiaye offre chaque fois un contrepoint, amorce de réconciliation. Si les oiseaux survolent toujours, menaçants, les pages de ce roman, la dimension fantastique s'efface au profit de l'inscription dans la réalité. L'art d'un des plus grands écrivains, dont on est presque fier d'être seulement le contemporain, ne s'en trouve que plus grand, encore.

"Trois femmes puissantes", de Marie NDiaye (Gallimard, 320 p., 19 euros). Parution le 20 août.




Dany Laferrière, c'est la pêche, l'art de raconter et des titres coups de poing : Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer, Cette grenade dans la main du jeune nègre est-elle une arme ou un fruit ? (Le Serpent à plumes), Je suis un écrivain japonais (Grasset). Très populaire au Québec, où il vit après avoir grandi en Haïti et où ses récits "chauds" alimentent des sitcoms, il a été consacré en France par Bernard Pivot et par Vers le sud, le film que Laurent Cantet adapta d'une de ses nouvelles : vieilles Blanches (désolé, Charlotte Rampling) et jeunes Nègres (c'était Ménothy César) y tiraient tout ce qu'ils pouvaient les uns des autres.

Laferrière ne joue plus, ici. Son père vient de mourir. Au terme d'un interminable exil à New York, il décide de rentrer au pays, trente-trois ans après l'avoir quitté. La glace canadienne brûle-t-elle plus vite que le soleil haïtien ? Le temps passé loin du pays natal est-il mesurable ou tient-il du rêve ? Pourquoi ce père, banni pour avoir comploté contre Papa Doc, est-il mort seul et pauvre, quand l'un de ses camarades de combat, retourné au pays, est l'un des plus grands collectionneurs d'art haïtien ? Comment ce pays, seule fierté des Noirs d'Amérique durant deux siècles, est-il devenu synonyme de misère crasse et d'enlèvements ? Victime d'une tourista cuisante, comme n'importe quel Blanc, l'exilé interroge un peuple qui continue sa lente descente aux enfers, après un demi-siècle de duvaliérisme et d'aristidisme.

Les retrouvailles avec sa mère - cinquante ans de solitude et d'angoisse, elle aussi - lui inspirent des petits poèmes en prose, ici tendres et verlainiens, là cruels et baudelairiens. Les rares amis qu'il garde, les inconnus qui veulent absolument "renouer" avec lui, les vendeurs à la criée qui cherchent à le voler sous prétexte qu'il est devenu "riche" et qu'Haïti a faim : autant de touches qui révèlent de façon impressionniste le dessin d'ensemble, parmi des effluves de Dior et de pisse. Le livre devient épique à Baradères, village natal du père, département de la Grande-Anse.

Ces paysans qui cèdent à l'exilé leur unique lit pour coucher dehors, ces notables qui se parlent en grec ancien dans un cimetière, c'est l'essence de ce pays altier, au carrefour de l'Afrique des loas, de la France des Lumières et de l'Antiquité enseignée par les Pères. Autant qu'un lointain géniteur qu'il aura très peu connu, Laferrière enterre l'Haïti d'autrefois, avec ses paysans princiers et ses notables lyriques. Rude et sèche comme une lampée de rhum Barbancourt, belle et poignante comme une ritournelle d'Apollinaire, sa prose brûlante serre alors la gorge. L'Haïti de Laferrière ? "Un fleuve de douleurs dans lequel on se noie en riant."




3 Comments:

Anonymous martine a a dit...

une femme qui ose les mots....les idées fortes... histoires sombres certes, n'est-ce pas justement ce qui vient troubler notre "rêve" de cette terre idéalisée??? aimée et vécue come idylique que l'on a aucune envie de ternir?

11/11/09 12:25  
Blogger Annie Ranguin a dit...

oui , l'envers du décor !
"Tristes tropiques " deux mot de l'actualité .
Mais pourquoi n'existe-t-il pas de paradis sur terre ?

11/11/09 14:38  
Anonymous martine a a dit...

sans doute pour nourrir nos rêveries et nous permettre d'y mettre ce que chacun voit de ce monde comme sa "part de rêve"....
le paradis serait trop fade!!
peut-être le réalisme ,trop cru, nous permet-il l'évasion par l'esprit, seul remède au désespoir.
tristes tropiques, une oeuvre exceptionnelle...

15/11/09 06:08  

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